7 clés pour comprendre le stress post-traumatique
Vous avez vécu un événement traumatisant et avez l’impression de ne pas pouvoir passer à autre chose ? Vous souffrez peut-être de stress post-traumatique.
Le trouble de stress post-traumatique, généralement désigné sous l’acronyme TSPT (PTSD en anglais), est un trouble psychologique qui peut apparaître suite à un ou plusieurs événements traumatisants.
Dans cet article, je vous propose de découvrir 7 clés pour mieux comprendre ce trouble handicapant que peut être le stress post-traumatique.
Clé 1 : Le traumatisme choque... jusque dans les profondeurs du cerveau !
On dit souvent qu’un traumatisme impacte les émotions, les pensées, mais à l’origine de tout ça, l’impact a lieu dans le cerveau ! Trois zones cérébrales sont notamment importantes :
- l’amygdale, zone dédiée à la régulation des émotions et la détection des signaux de dangers dans notre environnement
- l’hippocampe, sorte de banque de données des apprentissages qui permet de stocker les souvenirs et d’aller les chercher quand il y a besoin, mais qui se charge aussi d’encoder le contexte associé à ces souvenirs et apprentissages
- le cortex préfrontal, chargé de l’analyse intellectuelle et de la prise de décisions
Lorsqu’on vit un événement traumatisant, l’hippocampe ne perçoit pas de moyen d’y échapper, car il n’arrive pas à rapprocher, à comparer à quelque chose que vous avez déjà vécu. L’amygdale ne reçoit donc pas de signaux lui indiquant que le danger a pris fin et reste en état d’alerte. Au niveau hormonal, des substances chimiques comme le fameux cortisol et l’adrénaline continuent à être libérées, à un point qui en devient dangereux (risque vital au niveau cardiovasculaire et neurologique).
Pour éviter que le cerveau ne surchauffe, un court-circuit s’opère alors : la connexion est coupée entre la partie émotionnelle du cerveau (amygdale) et la partie réflexive (cortex préfrontal).
L’événement va alors se retrouver comme bloqué dans le cerveau émotionnel. Le cerveau n’intègre pas qu’il a pris fin. Le souvenir et les émotions qui lui sont liées ne s’éteignent pas. En effet, les aspects émotionnels de l’événement vont être mémorisés massivement (amygdale), tout comme les éléments du contexte (hippocampe) dans lequel ils sont apparus. Cela va provoquer les différents symptômes que nous allons maintenant aborder.
Clé 2 : Les intrusions
Vous aimeriez pouvoir mettre l’événement derrière vous, ne plus y penser, mais il vous revient sans cesse sous forme de souvenirs, de cauchemars, ou encore d’émotions ou de pensées que vous avez eues au moment du traumatisme ? C’est ce qu’on appelle les intrusions. Comme nous l’évoquions dans le point précédent, certains aspects de l’événement traumatique ont été sur-mémorisés et vont ressurgir à deux types d’occasions spécifiques :
- quand vous faites face à un déclencheur (trigger en anglais), c’est-à-dire un élément de votre environnement ou une situation qui va vous rappeler, de près ou de loin, le traumatisme que vous avez vécu et qui va créer une alerte dans votre cerveau, l’amygdale percevant à nouveau un grand danger
- quand vous baissez votre garde, que vous n’arrivez plus à consciemment tenir les souvenirs ou pensées à distance (comme quand vous êtes endormi, par exemple)
Vous aurez donc beau y mettre toute la volonté du monde, votre cerveau ne vous laissera pas ne pas y penser. Il n’en est tout simplement pas capable ! Et bien sûr, s’enfermer dans l’endroit le plus sécurisant et isolé possible n’est pas une solution qui fonctionnera sur le long terme, bien que cela puisse vous soulager dans un premier temps.
Clé 3 : L'évitement, un bien pour un mal
Les intrusions peuvent être très dures à gérer et peuvent avoir un impact conséquent sur votre vie de famille, sur votre travail, votre fonctionnement, et bien sûr votre santé mentale. Une des réactions normales face aux intrusions et de vouloir éviter ce qui va les provoquer. On va parler d’évitements externe et interne.
L’évitement externe peut consister à éviter des activités (e.g., conduire), des endroits (e.g., les boîtes de nuit) ou encore des situations (e.g., sortir seul.e) qui vous rappellent votre traumatisme, voire à éviter des personnes qui vous font penser à votre agresseur.se (e.g., des représentants de l’autorité).
L’évitement interne est le fait d’éviter les pensées, les sentiments et les souvenirs en lien avec le traumatisme. Chaque fois que vous allez vous souvenir de l’événement, vous allez tout faire pour tenter de le faire sortir de votre esprit. Vous en êtes peut-être même arrivé à un point où vous prenez des risques ou vous mettez dans des situations dangereuses délibérément (e.g., commettre des vols, conduire au-dessus des limites de vitesse), où vous abusez d’une substance (e.g., alcool, drogue) ou bien où vous vous faites du mal (e.g., auto-mutilations) pour tenter de chasser les intrusions qui vous font souffrir.
Selon, notamment, la CPT, l’évitement fait partie des éléments qui maintiennent le TSPT, parce qu’il empêche que les émotions naturellement ressenties suivent leur cours et, au contraire, va venir renforcer votre réaction émotionnelle à ces déclencheurs, votre cerveau n’ayant pas l’occasion de se rendre compte que les déclencheurs auxquels vous faites face ne sont pas aussi dangereux que votre amygdale le laisse entendre.
Clé 4 : Des pensées et une humeur changées
Le DSM-5 (sorte de bible américaine des psys) nous parle des « altérations négatives des cognitions et de l’humeur », expression un peu barbare qui se décompose en plusieurs éléments.
Tout d’abord, cela comprend les croyances négatives sur vous-même (e.g., « Je ne suis pas quelqu’un de bien »), les autres (e.g., « Je ne peux avoir confiance en personne ») et/ou le monde (e.g., « Le monde est dangereux »). L’événement traumatique est tellement choquant et inédit qu’il peut venir donner un gros coup de pied dans votre système de croyances.
Comme la plupart des gens, vous avez peut-être la croyance que le monde est juste (si je fais de bonnes choses, il ne peut m’arriver que du bien, mais si je fais de mauvaises actions, je dois m’attendre à ce qu’il m’arrive de mauvaises choses en retour). Face au traumatisme ou après, vous vous êtes peut-être dit que si quelque chose de si mauvais vous était arrivé, c’est que vous deviez avoir fait quelque chose de mal (e.g., peut-être que votre jupe était trop courte ou que vous n’avez pas été assez observant avant de vous engager dans l’intersection). Il est aussi possible que vous vous soyez dit que personne n’est vraiment digne de confiance, parce que vous ne pouvez pas être parfaitement sûr.e de leurs intentions.
Ces croyances naissent du fait que l’on a tous besoin de donner un sens au monde qui nous entoure pour savoir à quoi l’on doit être vigilant, mais elles se révèlent être dysfonctionnelles, trop rigides et provoquent elles aussi leur lot de souffrance.
Dans cette catégorie, nous pouvons également retrouver un fort sens de la culpabilité (la vôtre ou celle de votre ou de vos agresseurs), des sentiments négatifs intenses (comme de la peur, de l’horreur, de la colère ou encore de la honte) et/ou des difficultés à en éprouver des positifs, comme si les émotions que vous avez ressenties au moment de l’événement ou juste après étaient resté gravées en vous, sans laisser trop de place à des émotions différentes. Vous ressentez peut-être aussi que vous avez moins d’intérêt qu’avant dans les choses ou les activités qui vous plaisaient.
Il est possible que vous ayez l’impression d’être coupé.e des autres, comme si vous ne viviez pas dans le même monde, qu’ils ne pouvaient pas vous comprendre. Vous avez donc tendance à vous isoler et à ne pas parler aux autres de ce qui vous arrive.
Clé 5 : L'hyperactivation
Vous avez sûrement des problèmes de sommeil, des difficultés à vous concentrer, une attention qui laisse à désirer. Votre cerveau n’a pas une seconde pour se reposer : nuit et jour, il est occupé par l’événement que vous essayez à tout prix de maintenir à distance et par toute l’énergie qu’il doit mettre à éviter ce qui pourrait vous le rappeler. Il est donc normal que vos fonctions cognitives en prennent un coup !
Attention, cela ne veut pas dire que ce soit irréversible, mais ces symptômes risquent de perdurer tant que vous n’irez pas mieux, surtout si l’évitement est encore présent.
Clé 6 : La dissociation
Nous avons vu plus haut qu’un événement traumatique a un impact sur le cerveau en raison de sa violence et du désemparement qu’il provoque, et que cela cause de nombreux bouleversements émotionnels : on se sent à vif. Cependant, certaines personnes vont au contraire se sentir complètement détachées. C’est ce que l’on appelle la dissociation.
La dissociation est un concept vaste qui regroupe différentes formes qui peuvent, ou non, apparaître en même temps. Parmi elles, on peut compter :
- la déréalisation, impression que l’environnement qui vous entoure n’est pas réel, qu’il est distant, comme dans un rêve ;
- la dépersonnalisation, impression d’étrangeté, de détachement avec vous-même, votre corps, comme si vous vous observiez de l’extérieur ;
- des pertes de mémoire concernant l’événement traumatique (que ce soit dans son entièreté ou en partie) ;
- la sensation d’être coupé de ses émotions (vous pouvez, par exemple, parler de votre traumatisme sans rien ressentir)
Vous avez plus de chances de développer une forme de dissociation si vous avez vécu des traumatismes répétés ou prolongés, comme la maltraitance infantile, la violence domestique ou la torture.
Clé 7 : Un TSPT n'arrive pas toujours tout seul
C’est ce qu’on appelle des comorbidités (rien à voir avec la mort, a priori, je vous rassure). Il s’agit de troubles qui sont présents en même temps qu’un autre, arrivant en général après ou à cause du lui.
Dans le cas du stress post-traumatique, ce n’est pas rare de le voir accompagné de symptômes dépressifs, de phobies ou encore, comme nous en parlions plus tôt d’addictions. Pourquoi un tel cocktail ? Eh bien c’est surtout parce que vivre avec des symptômes aussi paralysants que peuvent l’être ceux du TSPT peut vous rendre plus vulnérable psychologiquement.
En constatant que, même si vous faites de votre mieux pour faire partir les souvenirs et les pensées désagréables, rien ne change, vous allez peut-être vous mettre à penser que vous n’arrivez à rien. Peut-être que vous allez commencer à perdre confiance en vous, à ne plus prendre plaisir à faire les choses que vous aimiez avant, … Les mêmes symptômes peuvent arriver en réaction à l’événement que vous avez vécu, davantage qu’aux symptômes qu’ils ont fait naître en vous.
Il existe aussi une variante du TSPT que l’on désigne, entre autres, sous le nom de TSPT complexe. Il s’agit d’un TSPT auquel s’ajoute des problèmes de régulation émotionnelle, un concept de soi négatif (croyances négatives dysfonctionnelles sur soi-même) et des difficultés dans les relations interpersonnelles.
Comprendre... et après ?
Si vous vous retrouvez dans ces symptômes, n’hésitez pas à chercher de l’aide auprès d’un professionnel ! Vous avez peut-être l’impression que cela ne se terminera jamais, ou qu’une personne qui n’a jamais eu de TSPT ne pourra pas vous comprendre, mais de plus en plus de psychologues et de psychiatres se forment au traitement des psychotraumatismes, et sauront vous accompagner au mieux, avec toutes vos particularités et avec toute la bienveillance que vous méritez.
Peut-être que vous ne souffrez pas de tous ces symptômes, mais que certains éléments vous parlent. Cela ne veut pas dire que l’événement que vous avez vécu n’a pas d’importance et que l’impact que vous en ressentez n’est pas légitime ! On peut très bien souffrir d’un traumatisme sans développer de trouble de stress post-traumatique. Je vous en parle dans cet article.
Sources
- American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.). https://doi.org/10.1176/appi.books.9780890425596
- CIM-11. (2022). 6B40 Trouble de stress posttraumatique. Classification internationale des maladies 11. https://icd.who.int/browse/2024-01/mms/fr#2070699808
- Hingray, C., & El-Hage, W. (2020). Le trauma, comment s’en sortir ? De Boeck Supérieur.
- Lopez, G. (2020). Traiter les psychotraumatismes. Dunod.
- Orban, P. (2022). Psychothérapies pour le trouble du stress post-traumatique: Exposition prolongée, Retraitement cognitif, Thérapie cognitive pour le TSPT, EMDR. Dunod.
- Resick, P. A., Monson, C. M., & Chard, K. M. (2016). Cognitive Processing Therapy for PTSD: A Comprehensive Manual. Guilford Publications.
- Salmona, M. (2009). La mémoire traumatique. Dunod.
- Salmona, M. (2018). La mémoire traumatique : violences sexuelles et psycho-trauma. Les Cahiers de la Justice, 1(1), 69-87. https://doi.org/10.3917/cdlj.1801.0069
- Vaiva, G. (2009). Psychotrauma et fonctionnement cérébral, Perspectives thérapeutiques. Stress et Trauma, 9(4), 210-213.
- Zaczyk, C. (2019). Guérir de ses traumatismes avec le brainspotting. Odile Jacob.